« Couverture universelle de santé et déterminants sociaux »: plaidoyer du Pr Michael Marmot pour un système de santé réellement équitable.

Nous publions aujourd’hui le texte du plaidoyer prononcé le 12 octobre dernier par le Pr Michael Marmot, Président de la commission « Déterminants sociaux de santé » au sein de l’OMS. Nous partageons cette vision globale de la santé, non plus source de coûts et de contrats mais paramètre d’évaluation d’une société démocratique.

« Etant donné que la santé publique globale comprend la couverture universelle, nous devrions nous remémorer de la leçon donnée par la Déclaration de Alma Ata en 1978.

Crédit Laffont/Sygma/Corbis

La Déclaration a été un point de repère dans la santé publique globale et elle a été la conclusion d’une des conférences internationales les plus importantes en matière de soins médicaux primaires. Mais à Alma Ata, il a été reconnu que pour améliorer la santé de la population on doit viser plus loin que les seuls soins primaires.  La Déclaration a évoqué la nécessité d’allouer des ressources à des objectifs pacifiques, « et en particulier à l’accélération du développement social et économique dont les services médicaux primaires, en tant que partie essentielle, devraient recevoir une allocation spécifique. « 1 Cependant, la partie d’Alma Ata sur l’accélération de déterminants sociaux –  développement social et économique – a été en grande partie oubliée et laissée en dehors de l’agenda international.

L’amélioration d’accès aux soins primaires est un but digne et nécessaire, mais, s’il demeure seul, il ne révolutionnera pas la santé globale, ni réduira les grandes inégalités de santé. Par exemple, le Royaume-Uni a un service de santé équitable qui est gratuit sur place, mais  qui creuse les iniquités de santé . Des actions doivent être menées pour aborder les déterminants sociaux de santé : les conditions dans lesquelles les gens sont nés, grandissent, vivent, travaillent et vieillissent et les iniquités relatives au pouvoir, à l’argent et aux ressources qui en sont à l’origine. 2

Un danger existe de vouloir tracer à nouveau le même chemin sur la couverture universelle de santé au détriment d’actions spécifiques sur les déterminants sociaux de santé. L’OMS donne une définition claire de la couverture universelle: chaque personne doit recevoir les soins dont elle a besoin sans subir des difficultés économiques, un système de santé bien administré, un système de financement, l’accès aux médicaments et technologies essentiels et des professionnels compétents et formés. 3 La couverture universelle est un objectif noble mais de la même manière le sont les actions sur les déterminants sociaux afin d’obtenir un système de santé équitable. Ces dernières ne doivent pas être oubliées.

La déclaration de l’OMS sur la couverture universelle de santé, tout comme celle des Nations Unies, 4-5 note l’importance de placer la couverture universelle dans un contexte d’actions sur les déterminants sociaux. Par ailleurs, ces deux éléments ne sont pas interchangeables. Le système de soins n’est qu’un des déterminants de la santé publique. Les autres conditions, comme la protection sociale, l’emploi et la santé pendant l’enfance, ne devraient pas être oubliés…mais c’est aujourd’hui le cas. Par exemple, le rapport OMS-Banque Mondiale sur la couverture universelle de santé ne fait pas mention des déterminants sociaux de santé parmi ses louables préoccupations sur l’appauvrissement des gens du au coût de la santé. 6

Cette situation peut être traitée de deux façons: soit par l’inclusion des déterminants sociaux de santé au sein de la couverture universelle de santé, soit via la reconnaissance que les deux enjeux sont complémentaires et au même titre important pour la santé publique.

Nous devrions faire les deux. Par exemple, les mesures d’austérité sont mauvaises pour la santé, non seulement à cause des réductions budgétaires sur les soins 7, mais aussi pour des effets collatéraux sur le logement, les revenues et l’emploi. 8

La couverture universelle n’est pas apte à solliciter le ministères des finances à réduire la pauvreté infantile, à investir dans l’éducation pré-scolaire ou l’acquisition de compétences pour négocier des emprunts afin de favoriser la qualité des logements. Par ailleurs, beaucoup pourrait être fait pour développer les déterminants sociaux de santé au sein de la santé, y compris  en matière de changement de pratiques, de travail partenariale, d’advocacy, d’éducation et formation, et sur les conditions d’embauche des professionnels de santé. 9

Un moyen d’assurer que les déterminants sociaux de santé restent au sein des préoccupations de ceux qui poursuivent la couverture universelle est d’inclure les déterminants sociaux dans un candre de suveillance facile à mettre en oeuvre et basé sur deux composantes:

  • en premier lieu, évaluer la santé globale et les mesures de santé selon des paramètres basés sur la position socio-économique, l’appartenance sexuelle, géographique et d’autres marqueurs pertinents en matière d’équité de santé, comme l’éducation. Si la santé et les soins doivent être des droits universel des hommes, nous devons alors comprendre dans quelle mesure la répartition de l’état de santé et des soins n’est pas équitable.
  • Deuxièmement, analyser  la distribution équitable des indicateurs clés des déterminants sociaux de santé.

J’en propose quatre : développement de l’enfant de la petite enfance à 5 ans; la proportion de jeunes sans emploi, éducation, ou formation; une mesure sur la pauvreté adulte; et une mesure d’isolement social et/ou pauvreté chez les personnes en âge de retraite. Des problèmes de comparabilité internationale surgiront, mais ceux-ci sont résolubles comme il a été montré par les rapports sur Développement Humain ou les rapport réguliers de la Banque Mondiale.

Personnellement, je ne m’arrêterais pas ici. Je souhaiterais que le cadre de surveillance inclue les iniquités de pouvoir, d’argent et de ressources – les moteurs principaux des iniquités en santé identifiés par la Commission sur les Déterminants Sociaux de Santé de l’OMS.

Par exemple, à Londres, les effets du ralentissement de l’économie sur l’équité de santé seront contrôlés par des indicateurs sur l’emploi, la sécurité économique, le logement et la migration. Bien que ceux-ci soient tous importants, les quatre domaines que j’ai proposés sont éminemment faisable et devraient être fait, par n’importe quel pays qui a à coeur non seulement l’assurance de la couverture universelle de la Sécurité Sociale, mais aussi l’équité en santé de sa population.

Je déclare que je n’ai aucun conflit d’intérêts. »

Pr Michael Marmot – UCL Institute of Health Equity and Department of Epidemiology and Public Health, University College London, London WC1E 7HB, UK

Version originale: « Universal health coverage and social determinants of health »
Michael Marmot
The Lancet – 12 October 2013 ( Vol. 382, Issue 9900, Pages 1227-1228 )
DOI: 10.1016/S0140-6736(13)61791-2

1  WHO. Declaration of Alma-Ata. International conference on primary health care; Almaty, Kazakhstan, formerly Alma-Ata, USSR; Sept 6—12, 1978.
2 Commission on the social determinants of health. Closing the gapin a generation: health equity through action on the social determinants of health. Final report of the commission on social determinants of health. Geneva: World Health Organization,2008.
3 WHO. Universal health coverage: what is universal health coverage?.http://www.who.int/universal_health_coverage/en/index.html. (accessed Sept 4, 2013)
4 WHO. What is universal health coverage?. http://www.who.int/features/qa/universal_health_coverage/en/index.html.(accessed Sept 9, 2013).
5 United Nations General Assembly. Global health and foreign policy. http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/67/L.36&referer=http://www.un.org/en/ga/info/draft/index.shtml&Lang=E. (accessed Sept 9, 2013).
6 WHO. WHO/World Bank convene ministerial meeting to discuss best practices for moving forward on universal health coverage 2013. http://www.who.int/mediacentre/news/statements/2013/uhc_20130219/en/index.html. (accessed Sept 4, 2013).
7 Stuckler D, Basu S. The body economic: why austerity kills. New York: Basic Books, 2013.
8 Bloomer E, Allen J, Donkin A, Findlay G, Gamsu M. The impact of the economic downturn and policy changes on health inequalities in London. https://www.instituteofhealthequity.org/projects/demographics-finance-and-policy-london-2011-15-effects-on-housing-employment-and-income-and-strategies-to-reduce-health-inequalities. (accessed Sept 4, 2013).
9 Allen M, Allen J, Hogarth S, Marmot M. Working for health equity: the role of health professionals.http://www.instituteofhealthequity.org/projects/working-for-health-equity-the-role-of-health-professionals. (accessed Sept 4, 2013).
Ce contenu a été publié dans Démocratie sanitaire, avec comme mot(s)-clé(s) , , , , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *